Le bon sens paysan
Pour moi, il n’était pas possible de redonner vie à ce village en ne faisant revivre que les pierres. Avant les habitants de Sant’Amanza vivaient en quasi-autonomie, nul autre choix possible, car aucune route ne desservait le hameau. Alors à Sant’Amanza, il y avait un potager, des arbres fruitiers, du blé, des châtaigniers, on y trouvait aussi des animaux, et même des ruches (d’ailleurs j’adorerai savoir où étaient situés les ruchers installés par les vieux du village). De cette activité agricole, il reste des aires de battages (« aghja »), un séchoir (d’où le nom d’une de nos maisons qui était consacrée au séchage des châtaignes, un abri de berger (« Oriu ») à I Sapari, les chemins de transhumances qui reliaient Sant’Amanza à Pietrosella et aux villages du Taravo, tout un patrimoine vernaculaire caractéristique d’une culture populaire, d’une histoire du quotidien et de pratiques locales.
« A l’heure où l’écologie est un des thèmes majeurs de nos sociétés, à Sant’Amanza, même si ce sujet me semble fondamental, je ne l’ai pas forcément envisagé comme un engagement politique mais plutôt comme le leg de nos anciens vis-à-vis de notre terre et de notre patrimoine. ».
A l’époque, on ne parlait pas de privilégier les circuits courts ou de manger local, c’était une évidence ! On ne se posait pas la question de l’up-cycling, réutiliser tel ou tel objet pour en créer un autre, on n’avait pas le choix ! Et personne ne se posait la question de savoir si c’était écologique… on se fiait à son bon sens !
Alors oui, certainement que la vie était bien plus difficile à l’époque, les anciens ne comptaient pas leurs heures de travail juste pour pouvoir vivre décemment. Mais pourtant, j’aime à m’imaginer que la vie était douce à Sant’Amanza. A chaque fois que j’emprunte cette piste, le stress me quitte, l’omniprésence du maquis est un ravissement, à chaque virage, c’est un nouvel émerveillement ; là, la tour de l’Isolella, ici, les îles Sanguinaires…et au dernier moment, les maisons du village qui s’offrent à vous comme une apparition.
Bien que je m’y rende plusieurs fois par semaine depuis de nombreuses années, cet endroit est à chaque fois un enchantement, c’est mon paradis ; et je suis convaincue que ses habitants ressentaient la même chose. Pour vivre dans ce lieu, ils ont accepté d’être enclavé durant des années, sans route, à l’ère de l’émergence de l’automobile, certes avec l’électricité et le téléphone mais sans pouvoir bénéficier des commodités de déplacement procurées par la voiture, contraint à une vie en quasi-autarcie. Alors je me dis qu’ils devaient sacrément l’aimer leur village pour ne pas l’abandonner malgré ces lourdes contraintes.
Voilà, parmi d’autres, les raisons qui me font aimer Sant’Amanza et me donne envie de préserver cet écrin d’une autre époque.
Faire un voyage chez le suédois pour meubler les maisons n’était donc pas une option. J’ai chiné pendant des années, récupéré des meubles chez mes parents et mes grands-parents, des amis m’ont confié des vieilleries de famille, …une implication de tous les instants pour trouver un objet pour chaque endroit. Et ainsi redonner une âme à chacune des maisons, inventer un lieu dans lequel chacun retrouvera les émotions de la maison de vacances de son enfance, celle dans laquelle on a envie de créer ses souvenirs.
Tout cela avec comme objectif de recréer la convivialité et le partage de la vie de village !
Certains y verront principalement l’aspect « durable » lié à la volonté de favoriser la seconde main dans une démarche éco-responsable, et ce n’est pas négligeable ; moi j’y vois, avant tout, le respect de ce que nous ont transmis nos anciens !
Alors oui, pour préserver Sant’Amanza, on a fait beaucoup de récup que j’ai moi-même remis en état, on a recréé une activité agricole, on a privilégié les acteurs locaux et les circuits courts, on a installé le tri sélectif et mis en place un composteur qu’on utilise pour notre potager… je ne sais pas si on peut dire que c’est « écologique » mais ce que je suis sûre : c’est que c’est du bon sens !
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